Polyrando: randonnées pédestres de 7 à 77 ans


Rando itinérante du 16/08/05 en Suisse

Cela fait plusieurs semaines que je me prépare à cette journée peu banale : 3 cols à passer, près de 2.400 m de dénivelé en montée, près de 1.500 m de dénivelé en descente, le tout pour un total de plus de 24 km.

Après la première journée quelque peu arrosée par la pluie et un retour tardif, nous avons du annuler le deuxième jour de sortie à cause des pluies diluviennes et incessantes.

Nous étions 4 à envisager de faire le grand tour, mais finalement les 3 autres participants ont décidé de se joindre au reste du groupe et de rejoindre la Gitschenenhorelihutte (2.325 m) en empruntant le téléphérique, puis le bateau et le bus jusqu’à St Jacob (990 m) point de départ de la montée.

notre chalet à KlewenalpPour ma part, je préfère la vraie montagne, à l’écart des sentiers battus et c’est avec une certaine excitation mais aussi appréhension que je quitte le gîte (1.580 m) à 8h00 du matin, soit une grosse demie heure avant le groupe. La météo est meilleure, mais pas aussi bonne qu’annoncée : il bruine légèrement et les sommets sont encore partiellement dans les nuages ou le brouillard. Avec toute l’eau qui est tombée au cours des dernières 40 heures, cela ne me surprend guère.

Après à peine un quart d’heure de marche, premier obstacle de la journée : suite à un chantier et à l’utilisation d’un treuil, le chemin vers le col d’Hinter Jochli est dévié. Cela commence fort ! J’emprunte donc l’itinéraire recommandé qui ne figure pas sur ma carte. Cela m’oblige à monter plus au Nord puis à revenir au Sud Ouest et à rejoindre le chemin vers 1.850 m en passant par les hautes herbes humides et partiellement boueuses à cause de la proximité d’innombrables vaches. Il me reste encore à contourner le chantier à 1.900 m qui barre le passage du chemin. J’ai ainsi parcouru près d’un km en + que prévu. En montagne et sur une longue distance, c’est non négligeable. Après le chantier, je rejoins un très bon sentier de pierres qui me mène jusqu’au col de Hinter Jochli (2.107 m) Le col de Hinter Jochli (2.107 m)d’où j’entame la descente vers Chneuwis.

en contrebas du col d'Hinter JochliCela fait une heure et demie que j’ai quitté le gîte et il y a déjà de la neige fraîche. Heureusement pas trop, mais l’état du sentier m’incite à ne pas trop forcer l’allure afin d’éviter des glissades non désirées. Le sentier est relativement bien balisé, mais je dois néanmoins revenir deux fois de quelques mètres sur mes pas après avoir dépassé une bifurcation. Peu après une bergerie, la pente devient plus forte, mais le chemin est aussi un peu plus facile ce qui me permet d’accélérer. Depuis le sommet, j’aperçois de temps à autre des éclaircies et le soleil parvient même parfois à percer les nuages. J’ai alors un léger sentiment d’euphorie : j’ai fait le bon choix en prenant le risque de partir seul et ne devrai pas appliquer le plan B qui consiste à rejoindre les autres à St Jacob en descendant directement via Chneuwis. J’arrive à présent à la ferme chalet d’Ober Bolgen (1.820 m) le chalet d'Ober Bolgen blottie au fond d’un cirque agrémenté d’une cascade et située à quelques mètres du précipice. Après être passé et repassé devant le chalet, je ne parviens pas à trouver le sentier signalé sur ma carte. Je me résous à demander à la jeune femme sortant du chalet pour pendre son linge (on aurait dit « la petite maison dans la prairie »). Elle m’indique que c’est tout droit, c'est-à-dire vers le précipice. le sentier descendant depuis le chalet d'Ober Bolgen Je n’en crois pas mes yeux ! Je suis passé plusieurs fois à moins de 3 mètres sans apercevoir le minuscule sentier qui se dirige vers la vallée en serpentant. une cascade isolée en pleine nature Peu de temps après, j’arrive sous un pale soleil à Chneuwis (1.567 m) les premiers chalets de Chneuwis charmant petit hameau où se trouvent quelques chalets habités. Ici le raccourci que je comptais prendre pour éviter de passer par le centre du hameau semble inexistant ou en tout cas non fléché. Pire : arrivé plus bas, le fléchage m’induit en erreur car la flèche en direction de Sinsgauer envoie dans une impasse. Il faut en fait suivre la direction Rundvart.

J’ai au total perdu à Chneuwis quelques centaines de mètres, mais peu importe, je suis à présent sur un bon chemin montant progressivement en direction de Sinsgauer Schonegg. Après le chalet (1.600 m), le sentier dont la pente est à présent plus marquée, suit une rivière. J’ai de la chance car je suis sur le versant ensoleillé. montée le long de la rivière vers la bergerie se trouvant à 1.754 m Le sentier jusqu’à la bergerie (1.754 m) est à nouveau relativement boueux (toujours ces braves vaches suisses…) Peu après la bergerie, il faut passer la rivière et obliquer vers la gauche pour attaquer la pente vers le col (1.924 m). J’atteins le col sans peine le col de Sinsgauer à 1.924 m et décide de m’arrêter un peu plus loin pour pique niquer à l’abri du vent avant l’ascension du Chaiserstue (2.401 m) le plus gros morceau de la journée. Le brouillard est revenu jouer à cache cache avec le soleil et je profite de la vue changeante. Je devine l’endroit qu’emprunte le minuscule sentier mais je ne peux m’empêcher de me demander comment il est possible d’arriver au sommet de ce massif qui semble à pic. Depuis ce matin, je n’ai toujours vu aucun randonneur (juste deux ou trois personnes vivant dans les chalets) et je suis maintenant sur un sentier bleu de haute montagne…

Avec une petite appréhension (le brouillard redouble d’intensité) je repars et comprend immédiatement pourquoi le sentier est classé dans cette catégorie : l’ascension débute par une crête extrêmement étroite avec le vide à gauche et le vide à droite. la crête entre le col de Sinsgauer et le massif de Chaiserstuela crête permettant de rejoindre le massif du ChaiserstuePlus loin, un inconscient a posé une double rangée de barbelés barrant le chemin de crête. Il faut alors soit les franchir à deux reprises (difficile car aucun passage prévu), soit les contourner par la gauche en se tenant tant bien que mal aux piquets pour éviter de basculer dans le vide. Je choisis cette deuxième option et après ce passage délicat accélère jusqu’à ce que je trouve un endroit suffisamment stable pour pouvoir m’arrêter et prendre les bâtons dans mon sac. Le chemin monte toujours le long de la crête, mais celle-ci s’élargit progressivement et je peux monter plus à l’aise. A partir de 2.050 m, la neige fait sa réapparition. Le chemin monte ensuite en faisant de larges lacets et la montée n’est pas trop fatigante. Par contre, j’ai les pieds de plus en plus mouillés. Heureusement, il ne fait pas froid et il n’y a presque plus de vent. Vers 2.200m, la bifurcation vers la droite en arrivant sur la crête je rejoins la ligne de crête devant me mener au Chaiserstue. A cet endroit, le fléchage confirme que je dois obliquer vers la droite. Par contre, à partir de là, le marquage a disparu sous plus de 10 cm de neige et il n’y a aucune trace de pas. En outre, je suis encore à plus d’un km du sommet et ce dernier ainsi que le relief me sont complètement cachés par le brouillard. Bien sûr, je dispose de la carte et du GPS (je me félicite d’avoir soigneusement préparé cette journée et d’avoir préalablement entré la trace dans mon outil préféré) mais il suffit d’un écart de quelques dizaines de mètres pour se trouver du mauvais côté d’un ravin. J’avance donc lentement en gardant toujours un œil sur la carte et le GPS. Arrivé au bord d’une paroi d’une dizaine de mètres, je comprends que je dois revenir en arrière d’une cinquantaine de mètres pour passer au pied de cette paroi. Par la suite, je parviens à repérer de temps à autre une marque surplombant la neige ou un bâton bleu et blanc (pourquoi donc n’ont-ils pas utilisé exclusivement ce marquage à cette altitude ?) A chaque fois, je pointe la dernière marque dans le GPS pour pouvoir la retrouver au cas où. Je suis à plus de 2.300 m et il y a par endroits plus de 30 cm de neige. Traces de mouton dans la neigeA ce moment, une éclaircie de quelques secondes me permet de distinguer dans un hâle ensoleillé le Chaiserstue à quelques deux cents mètres face à moi. une vague éclaircie et le Chaiserstue en arrière plan C’est magique ! La pente est maintenant nettement plus forte et avec la neige profonde mais gelée, cela glisse. Par contre, plus d’hésitation : je suis bien là où je suis censé être et la direction, c’est droit devant. Arrivé au pied du Chaiserstue, nouvelle surprise : le marquage sur la roche semble indiquer tout droit !! la paroi à escalader pour arriver au sommet A gauche, c’est le vide et un petit coup d’œil à droite confirme que c’est tout droit. Cela correspond par ailleurs à la carte et au tracé GPS. Je me demande alors ce que signifie Chaiserstue (Chaiser, cela ne veut pas dire M… en Allemand ?). Soit ! Je range les bâtons dans mon sac pour avoir les mains libres et entreprend l’escalade de +/- 7 mètres. Heureusement les prises ne manquent pas et, malgré l’absence de gants, je n’ai pas les mains trop engourdies par la neige. J’arrive rapidement au sommet et récupère mes bâtons que j’ai déjà beaucoup eu l’occasion d’apprécier au cours de cette journée. A ce moment, nouveau moment magique : une déchirure dans les nuages me permet de distinguer, comme dans un cadre, un sommet complètement enneigé vue depuis le chaiserstue vers un pic enneigé que je prends d’abord à tort pour l’Urirotstock.

Je commence alors la longue descente vers Gossalp (1.490 m). Je descends le long de Bannalper Shonegg, une très belle ligne de crête dominant deux vallées. Je sais que compte tenu de la neige, du brouillard, des chemins glissants en descente et des nombreux arrêts téléphone / SMS, je suis déjà largement retard sur l’horaire. Le balisage est inexistant et je crains de rater la bifurcation vers Gossalp. Heureusement, la trace et l’altitude données par le GPS sont d’une grande précision et à l’endroit prévu, il y a même un fléchage indiquant la bifurcation. A partir d’ici, je suis à nouveau sur un sentier rouge et blanc (c'est-à-dire de moyenne montagne). Malheureusement, ici également la neige a recouvert la plupart des marques. descente vers Gossalp En outre, dans la forte pente, la neige n’est pas stable et à chaque pas, de grandes plaques de neige glissent en découvrant l’herbe. Je me retrouve sur mon derrière à plusieurs reprises et me demande quant va s’arrêter ce cauchemar. Plus bas, la neige disparaît progressivement descente vers Gossalp (2) et je continue prudemment ma progression pour arriver enfin aux deux fermes qui se trouvent à 1.784 m. De là une excellente piste descend jusqu’à Gossalp. Je peux accélérer et une vingtaine de minutes plus tard rejoins la bifurcation vers Steinhutti peu avant Gossalp (1.510 m). Durant la descente, j’ai l’occasion d’admirer une magnifique cascade cascade le long de la descente vers Gossalp d’une soixantaine de mètre de haut. Un très joli sentier sentier de Gossalp vers Steinhutti me permet de rejoindre ensuite Steinhutti (1.480 m).

 

Après avoir traversé le torrent, pont à hauteur du lieu dit steinhutti j’entame ma dernière montée le long d’une piste vers le lieu dit Alt Stafel. De là je prend la direction du lieu dit Hangbaum bifurcation vers Hangbaum puis peu avant le lieu dit Wilderbutzen effectue un court à travers tout pour gagner du temps et rejoindre vers 1.800 m le sentier qui mène de Biwald (1.694 m) vers la Gitschenenhorelihutte (2.325 m). C’est ici que je rejoins l’itinéraire qu’ont emprunté les autres. Il est déjà plus de 20 heures et je sais que j’arriverai à la hutte bien après le coucher du soleil. Néanmoins, je considère avoir atteint mon objectif : rejoindre ce chemin avant la tombée de la nuit. Conformément à ce que laisser supposer la carte, il s’agit en effet d’un sentier facile : il monte en pente douce vers le fond de vallée qu’il surplombe. A 2.060 m, je m’arrête pour manger quelques biscuits et prendre de l’eau au bord du dernier ruisseau avant la hutte. Le brouillard a tendance à obscurcir l’atmosphère, mais je sais que plus haut, je pourrai bénéficier de l’effet de luminosité de la neige et des traces des polyrandonneurs. Vers 2.150 m, les premières traces de neige apparaissent. Par contre, pas trop de problème avec le marquage. Je me dis qu’il va bientôt faire nuit lorsque je passe au dessus des nuages et peux bénéficier du soleil. passage au dessus du brouillard et apparition de l'Urirotstock au coucher du soleil passage au dessus du brouillard et apparition de l'Urirotstock au coucher du soleil (2) Nouveau moment de magie… Je gagne ainsi une grosse demi heure de clarté. Suffisamment pour avancer rapidement en suivant les traces du groupe. Je vois de loin le fléchage indiquant la direction de la Gitschenenhorelihutte. Un quart d’heure plus tard, je suis à la bifurcation. bifurcation vers la hutte Il fait maintenant nuit et je dois faire attention. Dans les gros blocs de pierre et la neige, les traces ne sont plus aussi faciles à repérer mais une dizaine de minutes plus tard j’arrive à la hutte sans avoir du sortir ma lampe de poche. Il est 21h20, soit ¾ d’heure après le coucher du soleil. De toute la journée, je n'ai rencontré aucun randonneur et me suis retrouvé seul aussi bien en moyenne qu'en haute montagne. Selon le GPS, j'ai finalement parcouru le dénivelé calculé préalablement mais sur une distance de 25,6 km (soit 1,5 de plus que prévu).  Après près de 13 heures de marche, je me sens en pleine forme mais je suis content de retrouver les autres qui ne m’attendaient plus, persuadés que je m’étais arrêté à Biwald. Chaude l’ambiance dans la hutte, chaude ! Une soupe de Radu, un (ou deux) verres de vin du Cubi de rouge monté par Nicolas (l’unique et véritable exploit !), un spaghetti-soupe (hum !) partagé avec Isabelle ont vite fait de me retaper pour la super journée de demain. Au programme, il y a en effet l’ascension de l’Uri Rotstock. le cairn se trouvant devant la hutte et le clair de lune

Notice Légale